Légendes beauceronnes
Avant Propos
Les soirs en Beauce, traditionnellement, se tenaient les « veillons » : veillées autour de la cheminée devant la « galée » (feu de l’âtre) ou dans la grange pendant les longues soirées d’hiver ou celles d’été sur les « raheurts » (talus herbeux au bas des murs). C’était le moment où les anciens racontaient les contes de Beauce aux plus jeunes tandis que les femmes actionnaient leur rouet et les hommes confectionnaient des objets en osier ou travaillaient des manches d’outils. L’une des caractéristiques de ces contes est l’importance du Diable, personnification du mal, qui cherche à séduire et à corrompre l’homme soutenu par sa foi. Ces légendes révèlent un grand souci d’orthodoxie chrétienne dans cette lutte du bien et du mal. Par contre, contrairement à d’autres régions, la Beauce n’a pas bénéficié du recueil de ses contes et nouvelles. Au XIX° siècle, les FILLEUL-PÉTIGNY ont recueilli quelques contes et légendes (cf. « le cheval qui pète des écus »). Quand Charles MARCEL-ROBILLARD a commencé sa collecte au XX° siècle, beaucoup de contes et légendes avaient disparu des mémoires. C’est pourquoi il ne reste que si peu de contes, quelques récits facétieux, très peu de légendes et de récits fantastiques. Vous trouverez dans ce chapitre quelques contes beaucerons. J’en ai écrit une version courte juste de quoi vous mettre l’eau à la bouche et vous donnez envie de lire ou d’écouter des conteurs : rendez vous avec le Diable bien sûr, les fantômes, les animaux farceurs, les pierres magiques, les « peineux » et leurs maîtres, etc. Une collection de dictons, propos, expressions familières, surnoms utilisés en Beauce constitue le volume 3 du « Folklore de la Beauce » de Charles MARCEL-ROBILLARD. En patois, avec toute la saveur du terroir, il nous donne une idée du langage et de l’esprit beauceron de nos villages. Pour avoir une idée du parler beauceron et de son patois, lisez aussi les poèmes de Gaston COUTÉ, chansonnier beauceron.
(Sources : Le folklore de la Beauce ; Charles MARCEL-ROBILLARD (édit Maisonneuve & Larose).
A lire : « Les contes du geigneux beauceron » par paul LÉGER ; éditions Figuières ;Paris 1933 ; éditions Le vent du ch’min ; Saint-Denis (93200) ; 1977.
« Contes de la Beauce et du Gâtinais » par Charles MARCEL-ROBILLARD & Jacques Marcel COTET ; ROYER, contothèque ; éditions Maisonneuve & Larose ; Paris ; 1982. « Chez nous par là », récits d’Antoinette RIBOT, paysanne de Nottonville en Eure-et-Loir (1884-1977), gravures de Jeanne CHAMPILLOU, artiste de Saint-Jean-Le-Blanc (1897- 1978) ; éditions Alphonse MARRÉ ; Fontenay sur Conie (28), 1982.
« Contes de Noël en Beauce » par gérard BOUTET, Roger JUDENNE et Jean-Claude PONÇON ; éditions alphonse-marré ; Chartres (28000) ; 1986.
« Contes et Légendes de Beauce d’hier et d’aujourd’hui » par Pascal FAULIOT, Jeanne FERRON, Geneviève LECOMTE, Bruno de la SALLE ; ROYER, La moisson des contes. CLIO ; Paris ; 1992.
« Rendez-vous contes ; du grain au pain en Beauce » par Jean-Jacques SILVESTRE ; éditions Centrelivres ;Luisant (28600) ; 2006.
« Contes et légendes d’Eure-et-Loir » par un colectif d’auteurs contemporains ; éditions GRRR…ART ; Allainville-aux-bois(78660) ; 2009.
Très important : Si vous avez dans votre héritage familial un conte ou une histoireracontée par vos grands-mères, n’hésitez pas à nous le faire connaître.
Jean-Pierre LIENASSON
28.02.2016.
Sommaire :
1. La cueilleuse de Montboissier. (sources : Charles MARCEL-ROBILLARD)
2. Le violoneux de Saint-Brice. (sources : Charles MARCEL-ROBILLARD ; Pascal FOLIOT)
3. Les amants de Marboué. (sources : Charles MARCEL-ROBILLARD)
4. Le moulin d’Orphin. (sources : Charles MARCEL-ROBILLARD ; Geneviève LECOMTE)
5. Piccolo, le bourri. (sources : Charles MARCEL-ROBILLARD)
6. Les miracles de Notre-Dame de Chartres.
7. Le cheval qui pète des écus. (Sources : Jeanne FERRON)
8. La Pierre qui vire. (Sources : Pascal FOLIOT)
9. Jean le sot et la Bête à sept têtes. (Sources : Bruno de La Salle)
10.La Légende de la Dame de Montigny. (Sources : D’après Charles Marcel-Robillard et L’Echo
Dunois du 25 janvier 1851)
11.La légende oubliée d’Auneau.
12.Le meunier beauceron Cailleaux.
13. le moulin Trompe-souris. (Sources : SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE DE France)
Plats Beaucerons
Avant - propos
Lorsque j’ai pu, j’ai écrit un peu d’histoire ou de géographie pour bien lier gastronomie et patrimoine. J’ai aussi regardé nos « cousins » de la Beauce québécoise et cherché leurs recettes emportées dans leur malle autrefois et pieusement conservées.
« Le fermier beauceron (ndlr : laboureur aisé) est actif, laborieux et sobre (…) Il vit avec ses domestiques et ordinairement à la même table, mange la soupe deux fois par jour, de la viande de porc cuite avec des choux, deux ou trois fois par semaine, et vit le reste de la semaine de légumes, de fromages, de lait caillé, de lait, de beurre. Chaque fermier tue une vache ou deux pour la moisson, quelques veaux et quelques moutons. Les charretiers sont les seuls domestiques à qui l’on donne du vin et du cidre. »
« Le journalier beauceron ne vit que de pain bis, de fromage et de légumes. Il mange peu de viande, excepté pendant la moisson. Sa boisson ordinaire est de l’eau du puits ou de la mare, ce qui occasionne souvent des maladies dans les grandes chaleurs ».
Le porc est la viande prisée des beaucerons. Le mouton et l’agneau sont presque exclus de la table paysanne. Ils sont expédiés, gras, chez les « bourgeoisiaux » de Paris.
(Sources : Histoire de Chartres par Chevard, maire en 1791)
Après avoir tué le cochon, on récupérait la graisse que l’on mettait à fondre à feux doux. On la vidait chaude dans des pots en grès. Elle servait toute l’année pour les cuissons. Lorsque le saindoux était fondu, il restait toujours au fond du récipient de cuisson, des résidus de lard dégraissé : les « grillons ». Ils agrémentaient alors les casse-croûtes des beaucerons. Les couennes étaient aussi utilisées : hachées dans les andouilles ; cuisinées avec des haricots.
Mais lorsque la misère frappait à la porte, on faisait la « soupe de corbeaux » ou une « terrine de merles ».
Cette rubrique doit être vraiment alimentée par toutes les recettes traditionnelles des fermes et maisons de Saint-Escobille.
Jean-Pierre LIENASSON
14.02.2015.
Les soupes beauceronnes :
soupe de châtaignes, soupe d’orties
Les entrées beauceronnes :
Le vrai Pâté de Chartres, Tarte au jambon façon beauceronne, Feuilletés d’escargots de la Conie
Pâté chaud de mauviette (région de Pithiviers)
Les plats beaucerons :
La culotte de bœuf à la beauceronne, Le faisan aux « calots », Pot au cochon de Beauce
Le vrai « rata » de Beauce, Omelette Beauceronne
Les desserts beaucerons :
Le Cochelin, Gâteau beauceron aux pommes, Les petits Beaucerons
Gâteau beauceron à la québécoise, Le Mentchikoff
Les fromages beaucerons :
Le Bleu de Beauce, Le Pâtichon de Châtillon, Chèvre de l’Abbaye de Nottonville
Le Patay, Le Pavé beauceron, La Feuille de Dreux, Le Frinault
L’Olivet bleu, cendré ou au foin
Le costume traditionnel de Beauce
Difficile de se faire une idée du costume des paysans beaucerons avant le XVIII° siècle. Pour le Moyen-âge, les vitraux et les statues de la cathédrale Notre-Dame de Chartres nous donnent une très belle documentation. Mais ensuite, le costume paysan n’intéresse guère avant la fin du XVIII° siècle. Il est fonction surtout de l’activité de l’homme ou de la femme qui le porte. Bien sûr, le rang social le marque très fortement. Les tissus produits dans la région sont une source de renseignement. Pour la Beauce, le chanvre et la laine sont les composants de base. Les troupeaux de mouton étaient forts nombreux et la laine était donc abondante. Le lin, très peu cultivé en Beauce, et le coton, importé, arriveront bien plus tard. Mais l’activité humaine a peu évolué pendant une longue période et le vêtement paysan est resté sensiblement le même. Au XIX° siècle, l’amélioration sensible des conditions de vie transforma le costume régional qui se différencia énormément d’une province à l’autre. Mais ce sont surtout les coiffes féminines qui se diversifièrent de façon incroyable : chaque village voulait avoir sa coiffe particulière. De plus, le rang social de la propriétaire rajoutait au décor et aux dentelles du couvre-chef. En Beauce, tout cela a disparu vers la fin du XIX° siècle. Quelques personnes âgées ont porté le bonnet traditionnel jusqu’à la guerre de 1914-1918.
En Beauce, comme dans tout le monde paysan, hommes et femmes ont longtemps porté des sabots. La chaussure de cuir ne s’est vraiment répandue qu’après 1850 dans le monde paysan et encore que pour des jours spéciaux (fêtes, mariages, etc.). Chaque village ou presque avait son sabotier. Les sabots d’homme étaient couverts (sabots à botte) d’une large bride de cuir. Pour les femmes, ils étaient plus légers et plus élégants selon qu’ils étaient destinés au travail ou au dimanche. Ils étaient découverts et pouvaient être décorés à la gouge fine.
Les sabots étaient colorés souvent en noir, plus rarement en ocre ou en rouge .... ( voir l'article joint )
Jean-Pierre LIENASSON
18 04 2015.
Les Coutumes
La vie quotidienne, fêtes religieuses et paysannes
Les assises de la maison beauceronne
La fouille, le mur, le mortier, le plâtre, le ciment, la bauge, la chaux, le colombage, la brique, la tuile, le ciment de tuileau ...
Types de maison beauceronne
La "grand'farme", la maison rurale, la chaumiére ...
Les meubles de beauce
Le volume 9 de « Le folklore de la Beauce » de Charles MARCEL-ROBILLARD & Bernard ALLOUIS (édition MAISONNEUVE & LAROSE; Paris ; 1974) apportera aux passionnés des traditions de l’ébénisterie tous les détails de la fabrication des meubles beaucerons : choix des bois ; technique ; entretiens ; décors sculptés ; etc. Cette page veut simplement citer les meubles les plus couramment présents dans les maisons de la Beauce. « LE CLOS BEAUCERON » à Jouy (Eure-et-Loir) possédait une collection de meubles à visiter (photographies dans l’ouvrage cité).
Voici un bref inventaire du mobilier beauceron traditionnel ...
Patois beauceron
Pèlerinages beaucerons traditionnels
Saint-Léonard-en-Beauce, Saint ermite de Beauce
C’est un pèlerinage traditionnel qui se perpétue en Beauce. Le village se dresse au sud de la forêt de Marchenoir. Les habitants de Saint-Escobille y allaient lorsqu’ils le pouvaient, sinon ils se contentaient d’aller aux Granges le Roi, au pèlerinage de l’église Saint Léonard...
CAVALIERS & SAINTS DE GLACE
"Les Saints Servais, Pancrace, Mamert,
Font à eux trois un petit hiver."
"Au printemps ramène l'hiver,
Pancrace, Servais et Mamert."
"Les trois Saints au sang de navet,
Pancrace, Mamert et Servais,
Sont bien nommés les Saints de glace,
Mamert, Servais et Pancrace."
"Mamert, Pancrace, Boniface,
Sont les trois Saints de glace,
Mais Saint-Urbain,
Tient tout dans sa main."
"Le bon Saint-Boniface,
Entre en brisant la glace."
Tous les jardiniers prudents savent qu'il faut attendre que les saints de glace soient passés avant de mettre en terre les plantations. Ces 3 saints, Saint Mamert, Saint Pancrace, Saint Servais (11, 12 et 13 mai) sont, selon la tradition, les derniers jours où des gelées nocturnes peuvent encore se produire. Un 4ème saint, plus tardif, la St Urbain (25 mai) est aussi connu dans les régions froides de la France (tradition en Savoie).
Mais quels sont ces fameux « Cavaliers » et « Saints de glace » auxquels nos anciens prêtaient une si grande attention ?
Les « Cavaliers » viennent à la fin avril : dans l'ordre Saint Georges le 23, Saint Marc le 25, Saint Eutrope le 30 et enfin Saint Jean la Croix le 3 mai. Pour les anciens, ces encombrants personnages portaient les sobriquets de « Georget, Marquet, Troupet et Crozet ». Pourquoi ? Ils viennent en « lune rousse » qui « souvent vide la bourse » (des paysans), à la charnière des saisons avec dans les régions plus septentrionales, le retour d'un frimas tardif et les dernières gelées. La « lune rousse » est toujours redoutée à la campagne où l'on observe que « tant qu'elle n'est pas passée, la récolte n'est pas assurée ». Puis viennent les Saints de glace qui sont, eux aussi, « gresleurs, geleurs et gasteurs de bourgeons ». Ils se suivent au calendrier aux alentours des Rogations, fête mobile célébrée avant l'Ascension pour écarter le dernier sursaut hivernal.
Saint Mamert : Il était évêque de Vienne en Dauphiné (v. 462-475). Il s'était distingué par son éducation littéraire et par son érudition théologique. Il entra en conflit avec l'archevêque d'Arles, dont il contestait la suprématie, mais il dut cependant se soumettre (463). Il institua selon la tradition en Gaule la procession des Rogations. Les jours des Rogations sont les trois jours précédant immédiatement l'Ascension dans le calendrier liturgique chrétien. (Latin rogare: demander). L'Évangile du dimanche précédent comprend le passage « demandez ce que voudrez et cela vous sera accordé » (Jean 15, 7). Les fidèles observaient pendant les Rogations un jeûne afin de se préparer à la célébration de l'Ascension et les prêtres bénissaient les cultures. Cette fête, introduite par saint Mamert en 470 dans la vallée du Rhône, a été étendue à toute la Gaule au concile d'Orléans (511). Les rogations auraient pris la place de la fête romaine des robigalia, célébrations cultuelles pour la protection des céréales contre la rouille qui se déroulaient le 6e jour avant les calendes de mai. Le récit de l'institution de Saint Mamert nous est connu par une homélie de Saint Avit, successeur de Mamert à la tête de l'évêché.
Saint Pancrace : C’était le neveu de saint Denis, né en 290 et décédé, martyr, à l'âge de 14 ans, à Rome durant la persécution de Dioclétien en 304. Dès l’époque de Grégoire de Tours, il était vénéré en France comme patron des enfants. Il a donné son nom à un titre cardinalice, à Rome, où ses reliques furent conservées jusqu'en 1798.
Saint Servais : Il était évêque de Tongres en Belgique, né vers 300, mort à Tongres en 384. Il assista aux conciles de Cologne (346) et de Sartique (347), combattit les ariens. Au concile de Rimini (359), trompé par les arguties des évêques ariens Ursace et Valens, et par sa connaissance imparfaite de la langue grecque, il signa une profession de foi ambiguë. A l'approche des Huns, il se rendit à Rome pour implorer le secours des papes Jean VIII et Martin 1er.
« Mamert, Pancrace et Servais sont les trois saints de glace
mais Saint Urbain les tient tous dans la main ».
« Avant Saint-Servais : point d'été, après Saint-Servais : plus de gelée. »
« Quand il pleut à la Saint Servais, pour le blé, signe mauvais »
Ce qui signifie que la fin mai peut s'avérer redoutable.
En 2017, la « lune rousse » était du 25 avril au 25 mai .